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AVALI avali, a rivistablog primurosa di u spannamentu di a pruduzzioni litteraria corsa d’oghji, ma à tempu locu di baratti è di critica suciali.

SABOTAGE

marceddu

À quelques mètres de moi, le rabot tournait à pleine puissance, l’outil pliait sous l’effort mais tenait bon, les jets de copeaux viraient du rouge au bleu, tout était correct… Soudain, l’outil cracha une longue traînée d’étincelles. Gégène se précipita pour stopper la machine. Trop tard. La pastille venait de voler en éclats. Gégène marmonna, Raccourci consulta les fiches du fabricant… Moi, je mettais cet incident sur le compte du hasard. Prenant une voix consternée, Gégène s’adressant au chrono, dit : « Vos outils, c’est peut-être du bon matos, mais nous on bossent sur des engins qui ne sont pas tout neufs, alors faudrait pas trop pousser à moins que vous vouliez carrément foutre le rabot en l’air ! ».

  Raccourci n’était pas convaincu. Il demanda à Gégène de remonter un outil neuf sans rien changer aux données. Gégènes s’exécuta sans dire un mot, lança le Butler… Le résultat fut identique.

  Consternation ! Raccourci reconnu l’évidence : c’était l’échec sur toute la ligne. Il refit ces calculs, donna de nouvelles données inférieures aux précédentes. Pour la troisième fois Gégène remonta un nouvel outil, remit en route, à nouveau l’outil plia sous le choc, mais il n’y eut pas de rupture durant toute la phase.

  Le chrono parut satisfait même s’il était déçu de n’avoir pas pu atteindre les performances du fabricant. Il mit ça sur le compte de la vieillesse du rabot… Il ramassa son barda et nous salua du bout des lèvres. À peine parti, déjà je me précipitais sur Gégène.

-       Qu’est- ce qui s’est passé ?

-       Eh ben alors pour raboteur comme toi, t’as rien compris ?

-       Arrête de me faire mousser ! T’as une combine ou quoi ?

  Mon impatience excitait Gégène. Il était ravi. Il avait à la fois trompé le chrono et un professionnel. J’avoue qu’il pouvait être fier de lui, l’animal… Il passa enfin à table.

-       Tu sais Dominique, ce n’est pas sorcier. Ça tient en deux phrases : « Pour qu’un carbure cède en dehors de toutes données d’usinage, il faut qu’il ait une mauvaise portée. Atteint par la violence des vibrations et sous l’impact du choc répété, il pète comme un œuf. »

-       Ça, je connais, mais comment as-tu fait ?

-       Ma parole, il faut te faire un dessin ? Lorsque tu tournes ta pastille, tu te démerdes pour y coller de la crasse derrière, pas difficile, tu n’as qu’à passer ton pouce sur son arête, tu me suis ? lorsque tu serres ta pastille, tu écrases la crasse et cet élément étranger empêchera une portée parfaite entre la face de la pastille et celle de l’outil. C’est à cet endroit précis que toutes les vibrations vont se concentrer… La suite tu la connais. Et pour conclure je te dirais ceci : si ta combine te paraît grillée, ne t’inquiète pas il y en a d’autres sous mon bonnet !

  Heureux d’avoir pu assister à un coup pareil, je quittais Gégène. Il était grand temps que je réapparaisse à mon poste. Là, Tatave m’attendait : « Fais gaffe tout de même, j’étais à deux doigts de devoir prendre ta place. Ton outil travaillait à vide. Démerdes-toi au moins pour qu’il fasse des copeaux…

  Je mis une passe en chantier. Silencieux, je réfléchissais, me questionnais : Aurais-je assez de cran et de sang-froid si un jour je me trouve dans la situation de Gégène ? Un porte-à-faux avec la crasse d’un doigt, c’est plus simple, fallait vraiment y songer…

La résistance aux contraintes de tout ordre existe aussi chez certains militants syndicaux que chez des prolos sans étiquette. L’action de mon camarade Gégène ne faisait pas exception à la règle.

Lors d’un Ricard pour l’arrosage d’un mariage, j’entraînais Gaston un peu à l’écart pour lui poser quelques questions.

-       « Dis donc ça existe les mecs qui sabotent leur bécane parce qu’ils en ont marre de gratter ? »

-       Saboter ? T’as pas trouvé autre chose ?

-       Oh ça va ! Je ne dis pas de saboter comme au temps de la résistance… Et puis, sabotage ou non, ce n’est pas une question de mot mais d’actes.

-       Pourquoi me demandes-tu ça ?

En deux mots, je lui racontais l’histoire du chrono. Ce récit eut pour effet de le dérider. Gaston se passa un doigt sur le nez, le regard ailleurs, fouillant dans sa mémoire.

-       « Ouais, ton truc me rappelle un jeune fraiseur qui connaissait le moyen de faire disjoncter sa machine au moment où il le désirait. Il déconnectait tout bonnement un relais électrique et pas n’importe lequel. Le méfait accompli, li prenait un air désolé en allant trouver son chef pour lui signaler la panne, et se faire inscrire en arrêt machine. Figure-toi que le temps de prévenir le service d’entretien, que ce dernier envoie un réparateur, que celui-ci trouve la « couille », eh bien notre gus profitait d’un bon moment de tranquillité sur le dos de la direction. Récidiviste, il renouvela son coup jusqu’à ce que son chef, intrigué par le nombre d’arrêt machine, décide de faire réviser la bécane. Muté temporairement sur un autre engin, il se tint peinard. Mais trop con ou trop fier de sa trouvaille, je n’en sais fichtre rien, il souffla sa combine à son doublard, un pépère pas loin de la retraite, qui ne trouva rien de mieux à faire que d’aller en causer au chef d’équipe. L’affaire fut vite classée. Notre fraiseur fut licencié sans tambour ni trompette. Les délégués eux-mêmes estimèrent cette affaire indéfendable. Quant au vieux mouchard, le jour de son départ à la retraite, il avait beau avoir apporté quelques litres de Ricard pour fêter ça, personne ne vint trinquer avec lui, sauf les chefs, bien entendu

J’appréciais cette anecdote. Je la trouvais aussi originale que celle de Gégène. Je n’étais pourtant pas au bout de mes surprises… En redescendant à la cantine, Gaston me rattrapa dans les escaliers…

-       « Tu sais, ce que je t’ai dit tout à l’heure, ça fait partie des ficelles que tout le monde connaît et applique plus ou moins. Depuis le temps que je suis ici, je connais d’autres procédés à te faire froid dans le dos…

    

  Gaston cracha au sol, conserva le silence un instant, sa manière à lui de laisser planer un certain suspens… Au fur et à mesure que nous avancions vers les ateliers, je découvrais stupéfait la face cachée de certains ouvriers… Nous étions au pied du rabot, je jetais un coup d’œil rapide sur l’horloge… Nous avions encore le temps avant de mettre en route. Gaston prit ma massette en cuivre et visa un doigt de sa main posée à plat sur la table et frappa… À côté !

-       « Tu vois, c’est aussi simple que cela… Avec un doigt en compote tu es bon pour l’accident de travail.

-       Tu vas pas me dire que tu te mets un doigt en l’air volontairement ?

-       Mais si mon vieux ! Mais si, qu’est-ce que tu crois ? Je vais même plus loin, si un gars manque de couille au dernier moment, il trouvera bien un copain qui le fera à sa place. Tiens, et le coup du tournevis, tu le connais celui-là ? Recette : mettre sa main à plat, placer le tournevis sur la chair molle entre le pouce et l’index, taper sur le manche, résultat : une belle entaille, conclusion : huit jours d’arrêt pour accident… Et celui de l’arête vive ? Tu sais après le passage d’une fraise ta pièce dans l’étau possède une arête aussi tranchante qu’une lame de rasoir. Le truc, c’est de rabattre violemment sa main dessus.

-       Stop ! ça me fout en l’air des trucs pareils, c’est pas possible que des gars se mutilent ainsi, c’est fou ! c’est authentique tes histoires ?

-       Je n’ai pas l’habitude de raconter des vannes.

-       Mais enfin si tu as un doigt en compote, c’est pour toute la vie ? Et tout ça pour seulement huit, quinze jours d’arrêt accident ? T’as aussi vite fait de te mettre en arrêt maladie.

-       En maladie ? En maladie ? Avant peut-être, mais que veux-tu faire avec les contrôles sécu, plus ceux de la boîte, sans parler de la contre-visite du toubib « marron » de l’usine… Avec celui-là, même à moitié mort, t’es quand même bon pour le service. Non, cette combine est foutue.

Gaston conclut sur une analyse générale du problème : le ras-le-bol des jeunes ouvriers qui se sentent mal dans leur peau, les valeurs et les clichés qui s’effritent à vue d’œil, le scepticisme vis-à-vis des grands idéaux… Regarde… Quand tu penses que ta survie est liée à ta paie, il y a de quoi dégueuler ! Regarde ces gars qui viennent bosser même ayant de la fièvre… Tu as un coup de pompe en atelier, tu ne peux pas te tirer sans perdre du fric… Tes mômes font des conneries, tu as un problème dans ton ménage, il faut quand même que tu viennes, coûte que coûte… Tout ça parce que tu as trois, cinq, dix, quinze ans de crédit sur la gueule.

En fait toute cette merde nous empêche de résoudre, solutionner correctement nos problèmes… Nous avons juste le temps de bricoler notre existence… Notre vie c’est du bricolage… Tu entends ?




G
hjuvan Petru Graziani, di Nucariu, scrittori, illustratori ed editori, hè un anzianu uparaghju spertu in mitallurgia di Renault Billancourt. Tandu, era impignatu in a Fédération anarchiste è in u Groupe anarchiste Renault (GAR). U GAR era prisenti sopr’à tuttu in u dipartimentu di l’usina chjamatu "l’artillerie" (postu ch’edd’era quì chì, duranti a Siconda guerra mundiali, erani custruiti i panzer à contu di l’armata nazista). In u 70a, Ghjuvan Petru hà scrittu à uMonde Libertaire è ancu à u biglittinu Prairial, publicazioni di u Groupe d’Etudes Sociales Renault (GESR). U gruppu anarchistu di Renault fù à l’iniziu di a greva di maghju 1971 chì durò trè sittimani "avant d’être récupérée par les staliniens de la CGT et les trotskistes de Lutte ouvrière". Fù da "l’artillerie" ch’edda scoppiò a greva, quandu, inveci chì a CGT prupunia una greva di 24 ori è basta, Ghjuvan Petru Graziani feci un parlamentu da cunvincia l’uparaghji di mova una greva illimitata. In 1986, cù Un ciel de fer (rumanzu, Ed. Cismonte è Pumonti), ci parla di a cundizioni uparaghja in l’usini di Francia è di u cumbattimentu soiu pà a dignità.
In 1977, criò a casa di dischi Vendémiaire. In 1978, publicheghja l’assaghju di Rinatu Coti,Intornu à l’essezza, in a cullizziò Paroli Sciolti. Pocu dopu, fundarani tremindù a casa d’edizioni Cismonte è Pumonti.
Di a so attività criatrici diviziosa, emu ritinutu Frombu (figuretti, 1984), La vie au bout (nuvelli, 1988), L’Affacchi (Figuretti, illustrazioni, 1989)… 

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